13 mai 1984 : Ngapi, l'ange qui fait basculer le derby

13 mai 1984. Brazzaville retient son souffle.
Au stade de la Révolution, 40 000 spectateurs convergent vers l'arène où va se jouer bien plus qu'un simple match. C.A.R.A contre Étoile du Congo : le derby qui divise une ville, oppose deux philosophies, réveille les passions les plus profondes.
Dans les travées bondées, les tambours résonnent déjà. Les drapeaux rouge et noir du CARA côtoient les couleurs stelliennes. L'électricité est palpable. Chacun sait qu'un instant de génie peut faire basculer l'histoire.
Ce soir-là, cet instant aura un nom : Ngapi Ange.
Le poids de l'histoire
Fils prodigue de l'Étoile du Congo, le CARA porte depuis 1963 le fardeau de l'émancipation. Sortir de l'ombre du géant, prouver sa légitimité face au club-mère : chaque confrontation ravive cette blessure d'orgueil qui ne cicatrise jamais.
Les supporters le savent : ce derby dépasse le football. Il cristallise vingt ans de frustrations, d'ambitions contrariées, de rêves de reconnaissance. Sur la pelouse, onze joueurs en rouge et noir portent l'espoir de toute une génération d'Aiglons.
L'assaut stellien
Le scénario semble écrit d'avance. L'Étoile du Congo entre en scène comme un prédateur sûr de sa force. Dès les premières minutes, la machine stellienne se met en marche.
12ᵉ minute : Okouo-Akaba surgit dans la surface. Sa frappe croise, puissante. Malonga-Bansimba s'envole, repousse in extremis. Le ballon percute la barre transversale dans un fracas métallique qui glace le sang des supporters du CARA.
"Jamais deux sans trois", murmurent les tribunes stelliennes. Et effectivement, quelques instants plus tard, nouveau frisson : encore la transversale qui tremble, encore le CARA qui vacille.
Les Aiglons subissent, dos au mur face à un adversaire en pleine confiance. L'Étoile brille, le CARA ploie. Dans les gradins, les premiers doutes s'immiscent. Et si ce derby tournait au calvaire ?
L'ange de la délivrance
22ᵉ minute. Le football est un sport cruel et magique. Dans un instant, tout peut basculer.
Ballon qui traîne à vingt-cinq mètres. Ngapi Ange le capte, lève la tête, arme son gauche. Le temps se suspend. La frappe part, sèche, tendue, imparable. Déchaux reste figé, spectateur impuissant d'une trajectoire parfaite qui file dans la lucarne.
Le stade explose.
Les 20 000 supporters du CARA libèrent vingt ans de frustration en un cri déchirant qui traverse Brazzaville. Dans les travées rouges et noires, on pleure, on danse, on s'embrasse. L'impossible vient de se produire.
Quand le génie frappe deux fois
Mais Ngapi n'en a pas terminé. 25ᵉ minute : ballon repoussé dans la surface, l'attaquant surgit et reprend de volée. 2-0.
Trois minutes entre les deux buts. Trois minutes qui font l'histoire.
Dans les tribunes stelliennes, c'est la stupéfaction. Comment ce CARA dominé, acculé, peut-il mener 2-0 ? Sur la pelouse, les joueurs de l'Étoile se regardent, interdits. Le derby vient de leur échapper des mains.
La chute de l'empire
L'Étoile du Congo ne s'en remettra pas. Sonnés par ce doublé express, les Stelliens tentent bien quelques sursauts, mais l'âme n'y est plus. Ngapi a cassé quelque chose : cette aura d'invincibilité, cette certitude de dominer leur petit frère.
À chaque accélération de l'attaquant vedette du CARA, un frisson parcourt les travées stelliennes. Et si un troisième but venait achever le carnage ?
Les dernières minutes s'éternisent pour l'Étoile, s'accélèrent pour le CARA. Coup de sifflet final. Dans un élan irrépressible, les supporters du CARA déferlent sur la pelouse comme une marée rouge et noire.
C'est l'apothéose. Plus qu'une victoire : une libération, une revanche sur l'histoire, l'instant où David terrasse Goliath sous les yeux ébahis de tout Brazzaville.
Quand un Ange fait l'histoire
40 ans plus tard, Brazzaville s'en souvient encore.
Ce 13 mai 1984, Ngapi Ange n'a pas seulement marqué deux buts. Il a gravé son nom au panthéon du football congolais, transformé un derby en épopée, métamorphosé trois minutes de jeu en légende éternelle.
L'Étoile s'est éteinte ce soir-là, éclipsée par la lumière d'un Ange providentiel. Dans les rues de Brazzaville, on raconte encore cette soirée magique aux enfants qui rêvent de porter un jour le maillot rouge et noir des Aiglons.
Certaines victoires traversent les décennies. Celle-ci appartient à l'éternité.
Les compositions
C.A.R.A
Ngombo (gardien) - Nkéoua, Kouvouama, Mafoundou, Owomat - Malonga-Bansimba (puis Kunzalé), Okoko, Mabiala, Ngakosso, Mayanda, Lazare (puis Fouka), Ngapi
Staff technique : R. Moumpolo, Dimeni, Lassy
ÉTOILE DU CONGO
Déchaux (gardien) - Mpoh (puis Bonazebi), Okouo-Akaba, Ngatsono, Lobognon, Tsélanitsiene, Mbeembo, Mboung, Exie-Mbole (puis Endzanga), Matana
Staff technique : R. Lubanda, Mboko, Yoka Antoine
Article d'après les témoignages de Banzy JDM
Témoignage : "Ce soir-là, j'ai vu naître une légende. Ngapi n'était plus un simple joueur, il était devenu l'incarnation de tous nos rêves." - Banzy JDM, témoin de cette soirée historique.
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